Tout revivre

Autrice : Mélody Gornet 

Éditeur : Éditions Thierry Magnier – Collection Grands Romans

Parution : Octobre 2015

Roman – 176 pages

Biographie de l’autrice fournie par l’éditeur :
“Mélody Gornet est née en 1991 dans les Vosges. Elle écrit (en cachette) depuis ses dix ans. Après son bac elle se lance dans des études de psychologie puis d’éducation. Ne tenant pas en place elle préfère se consacrer à l’animation de colonies de vacances et surtout à sa passion pour les voyages.”
Entre 2019 et 2021, Mélody a publié deux nouveaux romans aux éditions Thierry Magnier : Les Filles du Nord en mars 2019, et Citron en juin 2021.

Résumé de l’éditeur :
“Jordan et Matthis viennent de perdre leur mère dans un accident de voiture. Ils doivent aller vivre chez leur père remarié, dont la femme ne voit pas d’un bon œil l’arrivée de ces deux enfants dans une maison trop petite. Solveig, leur cousine, renoue à cette occasion des liens avec les deux garçons, leur offrant ainsi une échappée dans leur quotidien de tristesse. C’est que ces trois là ont du chagrin à partager. En restaurant une vieille maison, ils retrouveront confiance en eux et en l’avenir.”

Poignant, brutal et sincère. Ce sont les premiers mots qui me viennent à l’esprit pour décrire ce roman.
Le pouvoir des livres, et en particulier de la fiction, est de nourrir notre empathie. De nous permettre de nous imaginer à la place des autres, dans des situations que nous ne connaissons pas, de ressentir des sentiments qui nous sont étrangers ou peu familiers. Et à l’inverse, ils permettent d’autres fois de se sentir compris. Certains ouvrages traitent de lourds sujets et nous apprennent à appréhender sans juger.
Ce roman en est l’illustration parfaite.
Il nous expose la dure réalité du deuil, sans artifices et avec honnêteté. Le deuil de deux adolescents, encore au collège, qui viennent de perdre leur mère. L’histoire débute sans préambule aux côtés de cette dernière, dans les derniers instants précédents le drame. Elle nous amène ensuite au travers de trois points de vue successifs (celui de la cousine Solveig, du petit-frère Matthis et du grand-frère Jason) à considérer le deuil sous ses différentes facettes. Ces points de vus aident à comprendre la multiplicité des expériences du deuil, aussi nombreuses et variées qu’il y a d’individus qui y sont confrontés.


“Le jour où Sophie est morte, un beau soleil de fin d’hiver faisait étinceler le givre.” page 11
(première phrase du roman)


Le lecteur suit donc trois personnages principaux. Tout d’abord Solveig, la cousine des deux frères, qui se reconnaît immédiatement en eux car elle affronte déjà ses propres fantômes. Cela la pousse à prendre Jason et Matthis sous son aile. Sans les juger, sans les brusquer, elle tente de les aider. Puis on entre dans le quotidien bouleversé de Matthis, petit-frère de Jason et âgé de onze ans. Si celui-ci tente tant bien que mal de s’acclimater à sa nouvelle réalité, le choc du drame a été rude et sa santé mentale en a été affectée, provoquant des cauchemars à répétition ainsi que des hallucinations. La dernière partie du roman permet au lecteur de cerner Jason. Cet adolescent de quatorze ans apparaît comme distant et en colère de l’extérieur, mais on le comprend torturé et tout autant affecté par le décès de sa mère. Il se réfugie derrière la mission qu’il s’est fixé de protéger son frère.

“Je me disais que si elle était quelque part, peut-être que les miroirs étaient des fenêtres
desquelles elle pouvait nous voir.” page 77, point de vue de Matthis


De nombreux sujets importants sont évoqués. La mise à l’écart ainsi que l’observation constante et paradoxale que subissent les deux frères depuis le drame sont mentionnées tout au long du livre. Les deux frères sont désormais continuellement épiés à distance, car le deuil intrigue autant qu’il fait peur. Matthis fait également face au harcèlement et évoque l’isolement particulier qui en résulte et s’ajoute à celui du deuil car ses camarades préfèrent s’éloigner plutôt que de risquer d’être à leur tour harcelés. Le personnage de Jason, quant à lui, nous permet d’explorer davantage le départ de leur père durant leur enfance et l’absence doublée de silence qui a suivi. Il voue une rancœur féroce à son père, forcé par le cours dramatique des évènements à accueillir ses fils au sein de sa nouvelle famille. Avec ce premier roman, l’autrice dévoile une plume pleine de vérité qui accompagne les personnages à surmonter les épreuves de la vie en mettant en valeur la solidarité. Les chapitres tout comme les trois parties sont assez courts et les personnages sont attachants sans être parfaits, ce qui contribue à rendre ce récit entraînant malgré la dureté du thème. Je me suis laissée émouvoir par l’histoire de ces trois personnages frappés par un drame. Je me suis révoltée contre le harcèlement, indignée contre le comportement d’un père distant et j’ai appris l’importance d’apporter son aide sans exiger d’explications.
Un livre brutal par ses thèmes et tendre de par l’empathie palpable de l’autrice envers ses personnages. Un livre rempli de leçons de vie, parfait pour les adolescents qui en apprennent l’occasionnelle sévérité.
Un livre, en somme, à ne pas manquer.

Jade Leroy

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