
Auteur et illustrateur : Oliver Jeffers
Traductrice : Rosalind Elland-Goldsmith
Éditeur : École des loisirs
Collection : Kaléidoscope
Parution : février 2022
Album– 80 pages – dès 3 ans
Oliver Jeffers est un auteur et artiste irlandais aux livres fourmillants de poésie et d’imaginaire. Les enfants qui peuplent les pages de ses albums vont sur la lune et attrapent des étoiles, mangent des livres et voguent sur les mots ou lancent des baleines dans les arbres pour décrocher des cerfs-volants. Ils sont pleins d’empathie et de curiosité pour le monde. Les belles métaphores et images qu’il construit dans ses récits rapprochent le lecteur d’émotions parfois complexes ou difficiles, comme dans Le Cœur et la Bouteille pour lequel il a reçu le prix Fiction de la Foire internationale du livre jeunesse de Bologne, qui conte le deuil et le détachement intérieur. Loin de protéger contre ces émotions et questionnements, les fables qu’il construit accompagnent en douceur les jeunes comme les plus grands lecteurs, et invitent à l’exploration en et autour de soi.
A travers ses illustrations il expérimente avec les techniques plastiques, en mêlant parfois textures, styles et matériaux pour proposer des livres ingénieux et ludiques. Dans L’Extraordinaire garçon qui dévorait les livres et L’Enfant des livres, deux odes touchantes à la lecture, les pages de livres, carnets et cahiers divers deviennent décors de fond sur lequel le protagoniste évolue ou bien les mots et phrases typographiées se font eux-mêmes traits et dessins : en s’alliant les uns aux autres ils peignent les vagues, cabanes et grottes de l’histoire.
On retrouve ce jeu sur les médiums visuels avec Cette maison est hantée, qui prend comme décor des photographies monochromes de vieux magazines d’immobilier et de catalogues de meubles anglais datant des années 20 à 50. Par un jeu de redécoupage de ces images sépia et un astucieux dispositif de papiers calques entreposés entre elles, Jeffers détourne ces tableaux domestiques et s’amuse de l’austérité qu’ils dégagent, pour en faire des lieux envahis de petits habitants espiègles et surnaturels…
Le lecteur, au fil de la lecture, peut devenir un véritable chasseur de fantômes en découvrant les créatures qui hantent chaque pièce du manoir que leur fait visiter la petite protagoniste du livre : des fantômes plus amusants qu’effrayants se révèlent à travers les calques posés sur les pages, à l’insu de cette dernière. Une véritable complicité se crée ainsi entre la maison très vivante du livre et l’enfant qui la découvre, grâce à la grande interactivité du récit.
L’album donne toute confiance pour explorer les recoins de cet espace inconnu et aborde des notions de décoration intérieure et d’architecture grâce aux encarts qui bordent les pages. Ces derniers reprennent des définitions et des descriptions immobilières trouvées dans les revues dont l’auteur s’est servi pour créer ses illustrations.
En mêlant dessins, photographies, images de magazines, découpages et jeux de peinture, Cette maison est hantée joue avec l’espace familier du foyer, qui peut devenir étrange et insolite selon le regard qu’on pose sur lui. La visite « horrifique » des lecteurs est accompagnée avec chaleur et bienveillance, et offre un agréable moment ludique pour tous les petits chasseurs de fantômes en herbe !
Fynn Millot
Une réflexion sur “Cette maison est hantée”