
Cécile Heikkilä
Traduit du suédois par Catherine Renaud
Parution : 1er septembre 2021
Editions Cambourakis
Album – 48 pages – dès 3 ans
Résumé de l’éditeur :
“Grand-père dit qu’il connaît le plus bel endroit du monde. Il se situe de l’autre côté de la mer, entre des montagnes de glace et des lacs sans fond. C’est là que vivent des animaux sauvages qui peuvent te manger si tu manques de chance. Et en été, on y sent la bonne odeur des sapins chauffés par le soleil. Un endroit rare et miraculeusement préservé. Ce serait formidable de pouvoir profiter des vacances d’été pour le découvrir avec grand-père ! C’est le début d’un voyage riche en émotions, au cours duquel on apprend l’importance de savoir lire une carte autant que la valeur inestimable d’une faune et d’une flore sans cesse plus menacées.”
Petit Ours nous présente son grand-père : il est “grand et courageux avec des lunettes et une fourrure grise”, et raconte le merveilleux voyage qu’ils ont fait ensemble. Ce duo est parti à la recherche du “dernier avant-poste”, le dernier écrin de nature sauvage préservé.
Mais avant de partir, ils ont dû se préparer : c’est l’occasion d’apprendre ensemble, à lire une carte, à se repérer avec les étoiles… Quand c’est l’heure du départ, ce duo touchant nous emmène avec lui dans “l’aventure de [leur] vie”.
Cecilia Heikkilä est une illustratrice et designeuse suédoise, spécialisée dans les livres jeunesses. Elle a réalisé les illustrations de plusieurs albums, qu’elle a écrit ou réalisé avec d’autres auteurs, toujours avec un style tendre et tout en simplicité. Nous la retrouvons ainsi dans ses albums à succès : Le Voyage de Blaireau et Le Pull de Noël. Ses livres sont traduits du suédois par Catherine Renaud.
Dans Un endroit merveilleux, Petit Ours et son grand-père forment un binôme attachant. Ils rassemblent fougue et sagesse, naïveté et expérience… C’est une équipe qui fonctionne bien grâce au lien qui les unit. Ils sont en effet très proches l’un de l’autre. Le lien intergénérationnel, entre un enfant et un grand-parent, est un thème souvent traité en littérature jeunesse. Nous remarquons ici une certaine originalité dans le traitement de ce thème, Petit-Ours étant le narrateur de son expédition avec son grand-père, à l’inverse du schéma auquel nous pouvons être habitués, où le personnage le plus ancien relate ses aventures. Cecilia Heikkilä peint leur cheminement dans un environnement poétique. Ils progressent ensemble, au fil de leurs erreurs et de leurs apprentissages. C’est aussi l’histoire d’un héritage : ils atteignent leur but ensemble, à deux, mais seul Petit Ours va en revenir avec la connaissance acquise durant le voyage. Il reprend le flambeau et le transmet lui aussi en nous racontant son histoire.
Nous retrouvons dans cet album traduit du suédois un engagement fort des personnages et de l’autrice vis à vis de l’environnement. En effet, une des grandes questions soulevées au fil des pages reste celle de ce lieu “magique” : existe-t-il toujours ? Beaucoup de choses ont changé depuis les voyages de Grand-père, des paysages entiers ont été détruits et des populations déplacées… Cet album est ainsi une fable écologique, qui peut permettre d’ouvrir le dialogue sur ces questions avec de jeunes lecteurs.
C’est finalement aussi un voyage intérieur pour nos personnages, qui se découvrent tout au long du trajet. Cecilia Heikkilä parvient à nous faire ressentir leurs émotions : l’impatience du départ, l’espoir et la déception qui s’entremêlent ensuite…
Ces différentes sensations sont reprises par les palettes de couleurs utilisées au cours de cette quête. En effet, cet album est accompagné par des illustrations remarquables, avec notamment des animaux sauvages de toutes sortes. Le récit est entrecoupé de doubles pages qui leur sont entièrement dédiées et qui permettent de rêver de ces lieux, comme Petit Ours le fait.
Cet album très doux pourra être lu et apprécié par les enfants de tous âges et leurs parents.
On ne s’étonne pas que Cécilia Heikkila ait illustré pour des collections contemporaines suédoises les merveilleuses histoires de Moumine le troll, de la géniale autrice finalndaise Tove Jansson. Les personnages de cet album original ont les traits rondouillards et sympathiques de Moumine ! Ils en ont aussi l’esprit de famille et l’esprit d’aventure. C’est un album délicieux.
“Alors grand-père est allé chercher ses lunettes :
– Il est écrit : Salutations du dernier avant-poste.
– C’est quoi le dernier avant-poste ?”
Je dois avouer que cette utilisation du terme “avant-poste” m’a autant étonnée que petit ours ! Ce n’est évidemment pas ici un terme militaire. Sans doute les Suédois sont-ils plus habitués que les lecteurs français à penser que les espaces sauvages du grand Nord méritent des avant-postes…. L’adulte lecteur se retrouve en tout cas déstabilisé dans son envie spontanée de tout expliquer. J’aurais bien aimé avoir un enfant sous la main pour m’expliquer sa lecture : c’est lui qui aurait pu m’expliquer ce que la magnifique illutration de la double page centrale lui donnait à comprendre de cet “avant-poste”. J’adore cette capacité d’un album jeunesse à inverser les positions ! D’ailleurs petit ours finit devant un tableau noir, dans la postion du maître qui explique.
… alors que grand-père est resté très symboliquement à l’avant-poste pour garder les lieux sauvages. Parti à jamais comme son ami d’autrefois.
Oui, vraiment, quelle belle façon de faire accepter la mort, sans pathos et avec un émerveillement qui donne envie de plonger dans les étoiles. “Il a montré le ciel où brillaient nos constellations, la Grande et la Petite Ourse. Comme nous, elles avaient rapproché leurs museaux et se reposaient après toutes leurs aventures.”