Les fantômes d’octobre : 17 octobre 1961

Auteur: Ahmed Kalouaz
Editions : Oskar Jeunesse
Sortie : 2011

Dans le cadre des commémorations de la manifestation pacifique des Algériens le 17 octobre 1961 à Paris, réprimée violemment sur ordres du préfet de l’époque, Maurice Papon, se multiplient les ouvrages sur la question, y compris en littérature de jeunesse, alors que jusque là, les seuls livres qui existaient étaient à destination des adultes, sauf peut-être la nouvelle publiée en 1999 par Leïla Sebbar chez Thierry Magnier : La Seine était rouge, qui était plutôt à destination des adolescents.  

Ainsi, une bande dessinée qui vient d’être publiée en 2011 par Didier Daeninckx, illustrée par Mako, aux éditions ad libris, Octobre noir, retrace cet événement par le biais du meurtre de la jeune Fatima, dont la version officielle fait état du suicide alors même qu’elle faisait partie des manifestants et des disparus.    Dans le roman historique des éditions Oskar Jeunesse, destiné aux adolescents à partir de 12 ans, qui entre dans une collection engagée d’ouvrages centrés sur de grands événements et de grands hommes, le propos est assez novateur : raconter les bidonvilles de Nanterre où sont parqués les Algériens pendant cette page sombre de l’Histoire.   

L’ouvrage est augmenté d’un dossier documentaire, mettant en scène des interviews de protagonistes, y compris, fait assez rare, d’un policier chargé de réprimer durement la manifestation.  Plusieurs points de cet ouvrage appellent des remarques.   

D’abord, l’agencement du livre dont la première moitié se déroule dans le camp où l’on voit une famille s’installer. Le propos est novateur car on y raconte la terreur menée contre les algériens parqués là et les effets de ce qui s’apparente à une déportation de civils à l’intérieur même du pays. Les milices tenues par les harkis qui orchestrent la violence et la peur font partie d’un non-dit qui s’exprime enfin. La logique concentrationnaire et d’enfermement systématique, de harcèlement et de terreur est décrite avec force et détails, contrastant avec le caractère pacifique de la manifestation, elle aussi réprimée. Finalement, l’ouvrage n’est pas seulement écrit autour de cette manifestation mais bien plutôt autour d’un contexte où l’on découvre que les lois répressives de Papon font de ces hommes des sous-hommes. L’impression et la volonté de comparer cet épisode à un épisode bien connu de l’Histoire – la déportation des Juifs –  laisse une impression amère et de dégoût.

Enfin, le rôle de Sœur soleil, seule Française à prendre le parti des Algériens et à vivre à leur côté, y compris en participant à la manifestation du 17 octobre 1961, fait peu connu du grand public, est bien mis en avant. Sorte de fil conducteur de tout le roman, peut-être même davantage héros que le héros principal Belkacem, le personnage représente une part des Français – très marginale – qui ne sont pas résignés à ce déferlement de violence. Le portrait du personnage et son caractère idéaliste, situés tout droit dans le sillage des grands hommes à valeur héroïque, dont la collection se fait le chantre, ancre le récit dans un texte à double destinataire, voire à double discours et rappelle que les éditions Oskar Jeunesse, créées en 2005, veulent publier des livres «  à contenu éducatif ».   

Anne Schneider

Mots-clés : Algérie, répression, camp de concentration, guerre

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