Tani

Auteur-illustrateur: Alex Godard  

Editions : Albin Michel  

Sortie : 2011  

Auteur-illustrateur originaire de l’île de Marie-Galante, qui a fait l’école Emile Cohl à Lyon, nous avait habitués à des albums aux couleurs des îles :  – Maman Dlo, qui raconte la séparation d’une petite fille d’avec sa mère partie travailler en métropole alors qu’elle reste seule en Martinique où l’on retrouve tous les topoï de la littérature d’exil : la relation épistolaire, le bateau qui part, la nostalgie du pays natal, la mélancolie ou encore La case aux hibiscus rouges, sur l’exil et la séparation,  ou encore La forêt de cœur Bouliki  et Maé et le Lamentin, sur une formidable histoire d’amitié.  Toujours centrés sur les îles des Caraïbes et leurs imaginaires, leurs contes et légendes, leurs faunes et flores, leurs réalités économiques aussi, les albums d’Alex Godard développent souvent le thème de la relation mère/fille ou enfant/pays natal dans le cadre de ce qui constitue son principal lieu d’expression : la Martinique et la Guadeloupe.    

Cette fois-ci, et pour la première fois, Alex Godard s’ouvre à de nouveaux imaginaires et livre un album où l’on retrouve la douceur et l’exotisme de l’Inde.    

L’album fonctionne selon les mêmes sources d’inspiration que les autres. Il est nourri de nombreux éléments documentaires : saveurs, habitation, vêtements et coutumes et l’on y retrouve les thèmes chers à Alex Godard : le voyage, le déplacement, la séparation, la thématique du « grandir » et de la sortie de l’enfance, les relations avec les autres, l’isolement surtout et la solitude dont sont nourris la plupart des récits d’Alex Godard.    

Parsemé de multiples références langagières et poétiques à l’Inde, l’album nous plonge dans l’Inde des saris de couleurs et des saveurs odorantes. Le texte nous donne à voir un conte de prince et princesse qui finit bien. On peut remarquer les couleurs chaudes de cet album, les roses subtils, les verts, les orangés : tout concourt à mêler dans cet album un texte ancré dans une réalité et un dessin nimbé d’imaginaire, dont le grain laisse apparaître une sorte de flou assumé.  Les positions romantiques des personnages en font des personnages rêveurs, accoudés aux fenêtres, chargés d’émotions et d’attente. Comme Cécette dans Maman Dlo, murée dans le silence et l’attente, que l’on voit de dos, regardant la mer, la jeune princesse observe de sa fenêtre – on la voit de biais dans l’album – le monde auquel elle n’a pas droit.    

Alex Godard signe un album linéaire qui se lit comme un voyage et que l’on immédiatement envie de relire, les détails précis de l’évocation de l’Inde, en passant par les noms des personnages, invitent à s’y replonger et le jardin d’Eden final évoqué comme une promesse de bonheur est à lire comme un déclinaison du motif de l’amour, poétisé et incarné par ce couple d’Adam et Eve des mille et une nuits.    

Un livre fait de silence, de pauses, d’attentes qui se lit de 5 ans à 10 ans et qui se prête bien à la lecture à voix haute dans un cadre intimiste. On pourrait très aisément le mettre en musique et en expression corporelle, ou le théâtraliser par des voiles et des tentures de couleur, légers et flottants, tout en suspens, comme le livre.    

Anne Schneider

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