Nous avons choisi dix albums de littérature de jeunesse accessibles aux plus petits et pouvant être utilisés comme outils d’échange.
Ces ouvrages sont récents, originaux et permettent d’aborder les sujets délicats de la différence, de la discrimination et de la tolérance.
Les personnages présentés dans ces albums possèdent tous une particularité qui les différencie des autres et les exclut de la société. Les jeunes enfants peuvent se comparer à ces héros et comprendre les enjeux de ce problème. Ces histoires permettent d’apporter des valeurs et des explications sur un sujet complexe.
I- Les incontournables :
Deux albums documentaires présentent des textes fondamentaux que les enfants doivent connaître sur leurs droits et sur les droits de l’homme.
L’album Déclaration Universelle des Droits de l’Homme par Héliane Bernard, Alexandre Faure et William Wilson aux Éditions Mango, édité en 1997, reprend les 30 articles du texte officiel. Son grand format et sa couverture cartonnée le rendent attrayant et facilement manipulable. Les images donnent vie aux articles, elles sont colorées, originales et représentent souvent des personnages humains ou fantastiques en mouvement autour de notre planète, sortes de totems, qui renvoient aux arts primitifs, dont l’effet est souligné par une frise géométrique présente sur la double page.
Le Premier Livre de mes droits d’enfant aux Éditions Rue du monde, édité en 2009, par Alain Serres et Laura Tamiana, leur est dédié, avec un vocabulaire simple, des jeux de mots et des illustrations amusantes. Son organisation par thèmes est faite pour une meilleure compréhension, avec des grands titres, de petits encadrés donnant des informations historiques et des phrases essentielles mises en évidence par un jeu de couleurs d’encre. Des photographies en noir et blanc de scènes du quotidien d’enfants du monde complétées par des témoignages d’enfants le rendent incontournable. Ils montrent le contraste entre les différents niveaux de vie suivant les pays, ce qui sensibilise le lecteur. L’album peut prêter facilement matière à discussion avec des petits, grâce à la similitude entre lesdessins qui reprennent de façon mimétique et plus légère les photographies graves et parfois douloureuses des enfants.
II- La fonction au service de la construction identitaire de l’enfant :
1) Des histoires attachantes :
Quatre auteurs ont préféré utiliser des animaux pour illustrer leur histoire. Il est vrai qu’il est plus simple de parler de la discrimination en prenant des animaux anthropomorphes au lieu des êtres humains. Les jeunes enfants sont souvent attendris par les animaux, ce qui accentuera la compassion qu’ils auront pour ces personnages exclus.
L’originalité du livre Je veux qu’on m’aime aux Éditions Milan Jeunesse, édité en 2009, est que l’auteur Léo Timmers utilise comme personnage principal un corbeau, connu comme un signe de mauvais présage. L’auteur a su inverser les rôles et montrer le vilain corbeau comme un animal attachant, avec ses difficultés d’intégration face à la peur qu’il engendre chez les autres petits oiseaux colorés.
Dans cet album, le corbeau est mis en avant, par sa taille imposante et par le contraste qu’il va créer avec le fond blanc.




L’auteur Agathe Hennig a écrit une série d’albums dans la collection « Je suis comme ça », qui associe une caractéristique animale à une particularité physique humaine. Elle a su aborder le sujet délicat de la différence physique avec humour, en liant ce défaut avec une expression connue.
Dans Eliot zozote aux Éditions Mango Jeunesse, édité en 2001, le personnage principal n’est pas choisi au hasard puisque c’est un serpent qui va être rejeté par les autres animaux du désert à cause de son sifflement.
Fort, grand et imposant, Roméo est un éléphant comme les autres, quoique… Sa timidité le rend rouge comme une tomate et l’exclut du troupeau.
L’auteur Mario Ramos dans Roméo et Juliette aux Éditions L’école des loisirs, édité en 2010, raconte l’intégration de ce pachyderme parmi les siens. Celle-ci sera réussie grâce à une petite souris nommée Juliette. L’amitié entre ces deux animaux est surprenante du fait de leur différence, mais aussi inattendue car tout le monde sait que les éléphants ont peur des souris…
Faut-il avoir les plus belles plumes pour être supérieur aux autres ?
Dans l’album Le Petit Coq tout nu de Chih Yuan Chen aux Éditions Casterman, édité en 2008, un petit coq se retrouve exclu car il ne possède pas l’élégance des autres. Ce livre nous donne une bonne leçon de vie en nous montrant que les apparences sont parfois trompeuses et que sans ce superficiel nous sommes tous à égalité.
2) La recherche identitaire :
Les mots pour désigner les origines d’un homme sont parfois difficiles à comprendre lorsque l’on n’est qu’un enfant.
L’album Quelle est ma couleur ? d’Antoine Guilloppé et Géraldine Alibeu aux Éditions La joie de lire, édité en 2010, nous plonge dans l’imagination colorée d’un petit enfant qui va tenter de revenir à ses origines. Il va tisser des liens logiques entre les différentes appellations qu’on lui donne « copain arabe, français d’origine étrangère, né en France, terrien, africain » pour comprendre son intégration parmi les siens.
Dans leur album grand format Miriam, Mafou métisse aux Éditions Paris-Musées, édité en 2004, Marie Sellier et Diagne Chanel ont choisi de parler du métissage avec une imagination débordante. Les illustrations ressemblent à des dessins de jeunes enfants, à la craie et au pastel, bruts et stylisés, représentant une nouvelle espèce mi-animale, mi-monstre : le mafou. Miriam est un Mafou né de l’amour entre un mafou bleu et un mafou noir, ce qui suscite la curiosité de ses camarades d’école. Mais d’où vient Miriam ? Pourquoi tout le monde regarde celui qui est nouveau ? Pourquoi lui met-on cette étiquette sur le front ?
Dans leur album Celui qui est nouveau aux Éditions petit à petit, édité en 2000, Éric Héliot et Olivier Petit illustrent bien ce phénomène à l’école, en utilisant une organisation simple entre le texte et les images. La page de droite illustre la phrase de gauche, ce qui le rend accessible. Cet album est un bon exemple pour faire comprendre aux enfants que ce « nouveau » est en fait comme les autres et qu’au fil des jours il s’intégrera dans le groupe.

Trop ceci cela aux Éditions Frimousse, édité en 2002, de Caroline Palayer est un album simple et construit de la même façon sur chaque page. On y voit un enfant qui présente une particularité qui lui est propre, comme le montre l’exemple : « Oscar est trop bavard ». Au final, on apprend que ce sont toutes ces petites différences qui font la grande richesse de notre monde.
« Ni trop ceci, ni trop cela. On est tous différent et tant mieux sinon ça serait vraiment pas marrant. »
Le corpus d’albums proposé évoque donc avec délicatesse les difficultés que l’on peut rencontrer lorsque l’on présente une particularité qui nous exclut d’un groupe d’individus. Le traitement de la thématique de la discrimination, avec humour, gravité, poésie et tendresse invite à se décentrer et à dédramatiser, tout en présentant le problème de façon explicite.
Anne Schneider et Lucille Hains
Bibliographie :
– Héliane Bernard, Alexandre Faure et William Wilson, Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, Éditions Mango, 1997.
– Alain Serres et Laura Tamiana, Le Premier Livre de mes droits d’enfant, Éditions Rue du monde, 2009.
– Léo Timmers, Je veux qu’on m’aime, Éditions Milan Jeunesse, 2009.
– Agathe Hennig, Eliot zozote, Éditions Mango Jeunesse, 2001.
– Mario Ramos, Roméo et Juliette, Éditions L’école des loisirs, 2010.
– Chih Yuan Chen, Le Petit Coq tout nu, Éditions Casterman, 2008.
– Antoine Guilloppé et Géraldine Alibeu, Quelle est ma couleur ?, Éditions La joie de lire, 2010.
– Marie Sellier et Diagne Chanel, Miriam, Mafou métisse, Éditions Paris-Musées, 2004.
– Éric Héliot et Olivier Petit, Celui qui est nouveau, Éditions petit à petit, 2000.
– Caroline Palayer, Trop ceci cela, Éditions Frimousse, 2002.