La revanche des princesses

Collectif : Sandrine Beau, Clémentine Beauvais, Charlotte Bousquet, Alice Brière-Haquet, Anne-Fleur Multon, Carole Trébor
Illustrations par Kim Consigny
Poulpe fictions

6 autrices connues et reconnues, 6 petites histoires à mettre entre toutes les mains, à partir de 8 ans, nous indique la maison d’éditions Poulpe Fictions, un peu plus un peu moins selon les habitudes et l’aisance de lecture des jeunes.

Se plaçant du côté Girl Power du féminisme, les héroïnes sont fortes, ne se laissent pas faire, renversent l’ordre établi, et se réalisent : elles ont le droit d’être elles-mêmes. Ce n’est pas parce qu’elles prennent les armes qu’elles vont cesser de se maquiller si cela leur plait ; elles se révoltent contre les idées reçues et les codes qui les brident. Mais elles font cela avec humour, dérision, avec courage aussi, et assez de simplicité. Chacune a son histoire, son chemin. Leur lutte sera de mettre fin à une tyrannie, ou de simplement être bien dans leur peau.

La princesse en colère (car comme dans tout conte, le personnage est archétypal et n’a pas de nom) en a marre et voudrait jouer d’autres rôles. Elle va donc se plaindre au costumier, au régisseur… afin d’avoir un rôle sur-mesure à jouer. Le conte est donc une fiction qui se joue avec des coulisses, de grand·es acteur·rices et des écrivains un peu vieillots, les Comtes Grimm et Perrault. Mais peut-on vraiment les changer ? Anne-Fleur Multon propose une fiction drôle qui permet une réflexion sur l’écriture. Elle joue sur les stéréotypes dans les contes et montre que la littérature de jeunesse, ce n’est pas que cela.

Dans #charming d’Alice Brière-Haquet, Mathilde visite avec sa classe le CPP (Centre de Protection des Princesses), une sorte de zoo des princesses, gardées et surveillées. Elles y sont protégées, certes, mais elles s’y ennuient. Cette histoire fait écho à plusieurs sujets de société comme la protection animale non sans humour. Elle réussit à faire rire le lectorat, à formuler une certaine dénonciation de l’exploitation humaine et animale à travers un zoo décalé et amusant qui balaie les plus grands contes de princesses.

La princesse aux mille-et-un reflets de Carole Trébor s’appelle Ari. C’est une princesse qui ne correspond pas aux critères de beauté de son royaume, qui, comme beaucoup d’autres princesses est isolée pendant toute son enfance, jusqu’au jour où elle décide de s’enfuir vers un peuple réputé pour être laids. Tout est réuni pour en faire un conte traditionnel : une princesse, un royaume, une différence, des ennemis, un monstre à combattre. Sauf que cette princesse ne se laisse pas abattre et décide de prendre les choses en main, tant pour sa vie que pour celle des autres.

Clémentine Beauvais, dans la Belle et la bête (pour les plus grand·es), raconte comment une très belle princesse, née singe lutte constamment pour être conforme à ce qu’on attend d’elle, mais qui, au fond d’elle, n’aspire qu’à se balader de branche en branche. Une très belle métaphore sur la difficulté adolescente à trouver sa place et à être « bien dans sa peau ». L’écriture se balade dans l’espace de la page, elle est précise et juste.

La flamme de cristal de Charlotte Bousquet a pour héroïne, Ana, qui décide de fuir, après la mort de sa mère et le remariage de son père avec une belle-mère qui ne l’aime pas. Avec l’aide de Lunn, un chat des sables, elle va devoir vaincre un tyran qui a asséché le pays, mettant la population à l’agonie. A travers cette quête initiatique, Ana va grandir, mûrir et s’affranchir pour aider son père et les habitants.

A travers Tapisseries, jarrets dodus et dragon rugissant, Sandrine Beau dépeint ce que serait une princesse des temps modernes, fière d’être elle-même, qui lutte contre le sexisme grâce au personnage de Céleste. Elle n’a pas sa langue dans sa poche. Et quand son père lui annonce qu’elle est à marier et que pour choisir l’heureux élu, ce dernier devra vaincre le dragon, c’en est trop. Elle ne veut pas se marier ! Et si elle n’était pas la seule ? L’écriture à la première personne permet au lectorat de s’identifier à Céleste et de se révolter avec elles contre ces idées reçues qui ont la vie dure.

Mots-clés: sexisme, féminisme, égalité fille/garçons, contes détournés, stéréotypes, archétype, quête, identité.

Sophie Buquet – 2020

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