Un ours à New York

Texte et illustrations : Gaya Wisniewski
Editions : MeMo
Parution : novembre 2020

Album – à partir de 6 ans

Résumé de l’éditeur :

« Aleksander mène une vie bien monotone : chaque jour les mêmes rues, chaque jour le même travail qui l’ennuie. Un soir, en rentrant chez lui, un immense ours lui bloque le passage et l’interroge sur ses rêves d’enfant. Mais quand on porte un costume et qu’on est sérieux, on n’a pas le temps pour ces choses-là… Ours saura-t-il aider Aleksander à retrouver le chemin de ses rêves ? L’histoire d’un très gros ours, dans une très grande ville, qui va bousculer la vie du héros ! »

Gaya Wisniewski nous livre un nouvel album de qualité, d’une grande originalité par son style d’illustration, son thème ou encore son héros qui prend les traits d’un adulte, héros auquel l’enfant ne s’identifie pas forcément mais dont il peut se sentir proche à travers l’univers enfantin qui l’entoure.

L’autrice porte dans cet album un œil critique sur l’adulte, à travers Aleksander, un homme un peu morose, plongé dans un quotidien ennuyeux, suivant le schéma classique du « métro, boulot, dodo », une vie dont il ne tire pas beaucoup de bonheur. Elle pose une question importante : que nous reste-t-il de nos rêves d’enfants une fois que nous sommes devenus des adultes très occupés, qui se veulent sérieux à n’importe quel prix, importants seulement parce qu’ils portent un beau costume. Mais elle pose aussi sur lui un regard bienveillant, encourageant sa capacité à imaginer, créer, s’évader à travers un hymne à l’enfance retrouvée. L’enfance, l’espace du jeu, du rêve, où la notion d’impossible n’existe pas et où l’ambition n’a pas de limite. Elle apparaît partout à travers la ville, l’ours imaginaire et le doudou, qui sont comme les réminiscences d’une enfance retrouvée et guident l’adulte dans sa recherche de lui-même.

Les illustrations, grand format, permettent au lecteur de se plonger dans la ville de New York. Le dessin au feutre noir crée une atmosphère particulière : le noir et blanc nous rappelle les films muets, l’idée d’une plongée dans le passé comme le fait le héros qui retombe en enfance ; l’empilement des tours et des building donne l’impression d’un décor fait de légos ou de maquettes dans lequel l’ours géant, tel King-Kong, se balade tranquillement. On ne peut pas non plus s’empêcher d’imaginer, dans la profusion qui règne sur l’image, les bruits incessants de la grande ville. C’est dans une véritable visite guidée que nous entraîne Gaya Wisniewski, en représentant des lieux clés comme le métro, les théâtres, les bars, les ponts, les grandes avenues, à travers des illustrations pas toujours très nettes, parfois un peu floues, comme si l’autrice avait posé un voile dessus, laissant notre imagination faire le reste.

L’album est rythmé par la présence de nombreux dialogues, dans un style que se veut plus discursif que narratif, qui donne vie aux personnages et apporte de la profondeur aux propos de l’autrice. Résonnent à travers le récit tout un tas de questions existentielles, qui sont posées avec l’innocence de l’enfance et à travers lesquelles les voix des personnages viennent parfois se confondre, les rendant universelles. Chacun doute, chacun hésite, chacun espère, mais tous apprennent et se laissent aller à rêver.

Une atmosphère tendre se construit autour des éléments de l’enfance d’Aleksander, notamment l’ours et le doudou, qui nous apparaissent comme finalement plus éclairés sur le sens de la vie que les adultes eux-mêmes, auxquels ils volent quelques expressions qu’ils transmettent avec leurs propres mots :

« – […] Tu sais, quand tu arrives tout au fond d’un tourbillon, rebondis en oblique, comme ça, tu casses le mouvement. Chaque tourbillon a un moment de faiblesse, et tu peux en profiter pour remonter à la surface.

Et Foxi repartit. 

– Alors, Foxi ? Qu’a-t-il dit ? Tu lui as parlé du tourbillon de la vie ?

– Oui. Il n’a rien dit, mais ne t’inquiète pas, il va sûrement y réfléchir.  »

Il y a une simplicité dans le message qu’ils tentent de lui faire passer qui vient contrebalancer la complexité apparente de l’album. Sa compréhension n’appartient finalement qu’aux enfants, pour qui il tombe sous le sens.

Un très beau livre sur l’accomplissement de soi, le fait de grandir et de devenir adulte en gardant toujours une part d’enfant.

Sarah KAOU

Thèmes explorés : enfance, nostalgie, rêve, aspirations, grandir, confiance

Le site de l’artiste à explorer ici.

Interview de l’autrice par Ricochet ici et par La Mare aux Mots ici.

Laisser un commentaire