
Auteur : Michael Rosen
Editeur : Walker Books
Parution : Octobre 2020
A partir de 15 ans
Mickael Rosen, poète, conteur, écrivain bien connu au Royaume Uni a publié en 2020 un récit autobiographique qui apparaît sous la forme d’un petit livre cartonné d’une centaine de pages destiné à être tenu par les mains autonomes des enfants anglophones de 8 à 10 ans et au-delà. Il n’est pas illustré et s’intitule The Missing – The True Story of My Family in World War II.
Sur la couverture, figurent trois photographies, une enveloppe jaunie et une vieille carte postale énigmatique. Dans le prologue, Mickael Rosen explique qu’il va raconter une histoire qui se passait il y a très longtemps, et que 80 ans plus tard, il voit et il entend des choses qui suscitent chez lui le besoin de faire revivre son passé. « So I hope, dit-il, this book becomes part of a bigger conversation about the refugee crisis. About how to find fair and decent ways of helping people like my relatives.” C’est un aspect du récit sur lequel il insiste à nouveau dans l’introduction encourageant le lecteur à interroger sa propre généalogie. Nul doute qu’à une époque ou à une autre, nos aïeux venaient d’ailleurs. Nul doute que les lettres, les photos, les objets de nos grands-parents contiennent des histoires, certaines horribles, d’autres très belles. Nul doute que ces histoires méritent d’être remembered, un verbe anglais qui dit clairement la relation que les souvenirs entretiennent avec la vie des corps et celle des esprits. Remembrer, c’est re-mettre en ordre d’existence, re-dynamiser… et faire réfléchir les vivants.
Enfant, Mickael Rosen éprouvait de la perplexité face au passé de sa famille. Ses grands-oncles et grands-tantes paternels avaient tout simplement disparu. Le petit Mickael ne comprenait pas comment une ribambelle de personnes vivantes pouvait s’être évaporée sans laisser de trace. Son père racontait des histoires de guerre effrayantes ou merveilleuses mais il ne pouvait rien dire sur sa famille. C’est ainsi que devenu adulte, Mickael a entrepris une enquête qui l’a mené dans différents pays et qui lui a permis d’établir la vérité sur une partie de sa famille. Le titre du récit, The Missing, fait référence aux disparus et la précision, The True Story of My Family…, souligne la contiguïté du récit avec l’histoire des historiens. Raymond Briggs avait apporté la même précision lorsqu’il avait publié Ethel and Ernest – A True Story (1998), roman (bio-)graphique du même format que celui de Mickael Rosen et destiné au même public. Ethel and Ernest était consacré à la vie d’un couple « sans histoire » et plus largement à l’évolution de la classe ouvrière en Angleterre au 20ème siècle.
The Missing nous entraîne dans les faubourgs de Londres après la Seconde Guerre Mondiale, où une petite communauté Yiddish perpétuait ses traditions et parlait sa langue. Nous allons en Pologne dans les ghettos peuplées d’amples familles juives dont les membres firent parfois le choix, dans les premières décennies du 20ème siècle, d’immigrer aux USA ou en France, ou qui essayèrent de partir pendant la guerre, lorsque ce n’était plus possible. Nous sommes en France en colonie de vacances, mais aussi à Vichy. Nous sommes à Nice et à Cuba. Nous allons à Drancy puis, immanquablement, à Auschwitz. Enfin, nous sommes aux USA où des armoires recèlent la trace de souvenirs enfouis.
Parfois le lecteur/la lectrice adulte pense à un roman de Modiano, comme Dora Bruder par exemple, dont le titre a été traduit The Search Warrant, dans lequel les pas des personnages se perdent dans la nuit. Il/Elle pense aussi au travail de l’historien américain Robert Paxton sur la participation active du gouvernement français au génocide juif dès les années 30. Il/Elle pense à Isaac Bashevis Singer, qui écrivait en Yiddish (Shosha, 1978 – histoire d’une enfance), issu du ghetto de Varsovie et réfugié aux USA en 1935. Enfin, il/elle pense à un film allemand récent Transit (Ch. Petzold, 2018) qui semble avoir lieu à Nice pendant la Seconde Guerre Mondiale, ou bien a-t-il lieu aujourd’hui ? D’où vient cette femme noire vivant au premier étage d’un immeuble dont le jeune fils joue au foot en contrebas ?
Le livre de Mickael Rosen peut être lu en anglais par des élèves de 3ème ou des lycéens français. En partie ou en intégralité, il peut constituer en support d’apprentissage et être inclus dans une séquence pédagogique consacrées aux migrations. The Missing contient aussi des extraits de poèmes très simples écrits précédemment par Mickael Rosen (rassemblés dans On the Move – Poems About Migration, 2020) et qui peuvent être lus ou récités à voix haute. Ils se prêtent à la vocalisation car ils sont écrits comme des morceaux de slam : What you leave behind / Won’t leave your mind. / But home is where you find it.
Home is where you find it.
The Missing est assorti d’une importante bibliographie, d’un arbre généalogique et de remerciements. Une note au tout début nous indique que le récit a reçu l’approbation du Center for Holocaust Education à Londres. Il s’agit d’une histoire qui contient sa part de didactisme (des mots-clés sont réexpliqués, des moments-clés sont rappelés) mais Michael Rosen a le talent des conteurs aguerris qui prennent avec joie et énergie le chemin du récit. Il sait parler aux enfants/adolescents en saisissant le fil là où d’autres (les parents, les enseignants, les réalisateurs de film, les autres écrivains) l’ont laissé et captiver l’attention en même temps qu’il instruit les esprits.
Voir aussi : https://www.michaelrosen.co.uk/
Véronique Alexandre
Université de Caen-Normandie
pour l’Institut International Charles Perrault